Existe-t-il un lien entre la peinture et la couture ?
Le fil est là, rassurant, symbole de la conduite à tenir, pour se raccrocher, tisser des liens et garder le cap. Il m’appartient comme celui que sécrète l’araignée pour tisser sa toile ; il est organique et accompagne le déplacement. Il ne prétend pas attraper une quelconque proie – pas de filet ni de maille – mais se dévide plutôt de façon continue et inaltérable sans autre but que d’habiter le lieu de sa présence.
Coudre pour faire durer le plaisir, opposer la patience dans un quotidien trop pressé et surchargé d’informations, recherche d’une distance par rapport au monde.
Dans le silence et la répétition du geste de l’aiguille qui pique la toile, oubli de soi et du temps, absence pour une meilleure présence au monde dans le recul et la réflexion.
Travail d’intériorité.
Je couds ; la permanence du geste, presque obsessionnel et mécanique, implique régularité et ténacité.
Une forme de résistance, dans la sérénité.
Le temps qui dure c’est l’expérience dans la longévité et la persévérance.
Au fil du temps, recherche de la continuité.
J’attache, je lie, le passé et le présent : transmission des matériaux – le fil m’a été donné par la famille et il avait un autre usage dans le commerce de bouche - continuité et adaptation des savoir faire. Perpétuer un patrimoine, transformer sans rupture, à travers les générations – mes grands-mères étaient couturières – mais également dans la famille – mes beaux-parents étaient bouchers charcutiers. Ce fil a attendu des années dans les placards avant de lui trouver une autre utilisation. Les torchons également. Rien ne se perd, on récupère, on ne jette rien. Il faut que cela dure !
Conservation.
Filiation.
Coudre, découdre, recoudre.
Peindre, dépeindre, repeindre.
Faire, défaire, refaire.
En découdre avec la réalité,
dans l’atelier, qui en est l’anagramme.
Françoise Vallée